Extrêmement fort et incroyablement près [Jonathan SAFRAN FOER]
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____Cela me brise-t-il le cœur, bien sûr, à chaque instant de chaque jour, en plus de morceaux que mon cœur n'en comportait, je n'avais jamais pensé que j'étais taciturne, moins encore silencieux, je n'avais jamais pensé aux choses quelles qu'elles soient, tout a changé, la distance qui se logea entre moi et mon bonheur n'était pas le monde, ce n'étaient pas les bombes ni les bâtiments incendiés, c'était moi, ma pensée, le cancer de ne jamais lâcher prise, l'ignorance est-elle une bénédiction, je l'ignore, mais penser est si douloureux, et dis-moi, la pensée a-t-elle jamais fait quelque chose pour moi, m'a-t-elle une seule fois mené à un lieu splendide ? Je pense, je pense, et je pense encore, la pensée m'a éloigné du bonheur un million de fois, pas une seule elle ne m'y a mené.
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____Je n'ai jamais attaché un prix particulier à mes cahiers, ils m'étaient nécessaires, voilà tout.
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____J'observe, j'écris, je m'efforce de ne pas me rappeler la vie que je ne voulais pas perdre mais que j'ai perdue et qu'il faut que je me rappelle.
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____Je me suis senti, ce soir-là, [...] incroyablement près de tout ce qu'il y a dans l'univers, mais aussi extrêmement seul. Je me demandais, pour la première fois de ma vie, si la vie valait tout ce travail que c'est de vivre. Qu'y avait-il exactement qui en valait la peine ? Qu'y a -t-il de si horrible à être mort pour toujours, et à ne rien sentir, à ne pas même rêver ? Qu'y a-t-il de si formidable à sentir et à rêver ?
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____– Je ne sais pas comment vivre.
____– Je ne sais pas non plus mais j'essaie.
____– Je ne sais pas comment essayer.
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____Je regrette qu'il faille une vie pour apprendre à vivre, [...] parce que si je pouvais revivre ma vie, je ferais les choses différemment.
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____– D'après toi, pourquoi es-tu ici, Oskar ?
____– Je suis ici, parce que maman est inquiète que la vie me mette devant des difficultés insurmontables.
____– Est-ce qu'elle a raison de s'inquiéter ?
____– Pas vraiment. La vie est une difficulté insurmontable.
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____Là est la tragédie de l'amour, on ne peut rien aimer plus qu'on aime ce qui nous manque.
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____Si j'avais dit, « J'ai si peur de perdre ce que j'aime que je refuse d'aimer quoi que ce soit », peut-être que cela aurait rendu possible l'impossible.
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____A quoi bon mentir quand cela ne protège rien ?
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____Les hauts et les bas donnent l'impression que les choses sont importantes mais ce n'est rien.
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____Je songe à toutes les choses que j'ai faites [...]. Et à toutes celles que je n'ai pas faites. Les erreurs que j'ai commises sont mortes pour moi. Mais je ne puis reprendre les choses que je n'ai jamais faites.
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